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Littératures brèves et

le récit-page

 


Le concept

 

 

Comme son nom l'indique, le récit-page est le récit qui se déploie dans l'espace de la page unique. 

Depuis 2018 cette démarche  prolonge et remplace le projet Littératures brèves, mis en ligne en 2013 et dont le nom indiquait une vocation forcément inconfortable et par nature imprécise. À toute démarcation du "bref" on reprochera soit d'être trop restrictive et de supprimer ce qu'il fallait garder, soit d'être trop permissive et d'autoriser ce qu'il fallait éliminer. Question quantitative inextricable, petit caillou dans la chaussure de la démarche Littératures brèves, qui devait trouver une issue inattendue, et s'avérer, en fin de compte, sans objet.

Car Il est apparu, au fur et à mesure, que nos choix se portaient plus volontiers sur des textes qui avaient ceci en commun de se déployer dans l'espace délimité de la page.

On y entendait des échos différents de ceux qui se diffusent dans la nouvelle et différents aussi de ceux, le plus souvent brisés, de l'écriture ultra minimale qui veut faire rentrer le littéraire dans la seule durée de la ligne ou de quelques mots.

Et si, entre les deux, l'attachement à la page forçait des explorations et des résonances littéraires propres ?

C’est donc par l'introduction de la contrainte que Littératures brèves devait laisser la place au concept de récit-page. Avec ce résultat paradoxal, comme souvent lorsque le littéraire se voit imposer une obligation, d’ouvrir et non pas de clôturer des espaces de signification.

On pourra nous objecter que le problème quantitatif a été seulement repoussé, car il s'agit à présent de délimiter "la page". Puisque les conventions viennent remplir ce type de vide, c'est le format A4, que l'on retiendra, tout en l'entourant d'une certaine souplesse et qu'on interprétera surtout comme la toile qui permet au tableau d'exister et à l'image accomplie de le transcender.

Voici donc les raisons de la migration d'un site vers un autre. Avec un nom et un domaine propres, le récit-page se donne désormais une province dans le plus vaste territoire du bref.

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Choix des textes

et composition du site

 

La plupart des textes figurant sur ce site précèdent la notion de récit-page, mais l'illustrent. Parmi ces textes où l'on peut reconnaître le récit-page, on distinguera :

  • ceux des auteurs qui ont fait du très bref leur projet et une pratique à part entière (parmi les classiques naturellement Fénéon, Ponge, parmi les contemporains Jauffert, Chevllard, Sternberg ... et à l'étranger Shua, Valenzuela ...).

  • ceux qui relèvent d'une pratique occasionnelle du bref (parmi les classiques Kafka, parmi les contemporains Borges).

  • ceux qui résultent de détournements : le récit-page peut se trouver à l'intérieur du récit-long, d'où il peut être extrait en autonomie ; certaines poésies en prose peuvent être interprétées comme des récits-page, ainsi que dans beaucoup de cas, la poésie traduite.

  • ce site est constitué essentiellement de contributions, certaines demandées aux auteurs et d'autres spontanées qui nous arrivent au titre de récit bref, mais aussi, de plus en plus, au titre de récit-page.

  • et enfin, la rubrique Documentation recueille des articles et contient des éléments bibliographiques pour ceux qui s'intéressent aux aspects théoriques du littéraire bref.

 

 

Moins soucieux de séquence que de fulgurance, et devant composer avec l'absence de trame et d'intrigue, voire même d'anecdote, le récit-page tire ses ressources moins de la narration que du langage lui-même et de ses facultés qui combinent le suggéré, le suggestif, l'évocateur, mais aussi le détournement, l'inversion, le paradoxal, sans se confondre toutefois avec les curiosités logiques ni avec les performances purement verbales : l'ingénieux ne suffit pas au littéraire.

Peu importe le registre, mais s'il se fait poétique, le récit-page n'aime pas l'emphatique ou le déclamatoire ; s'il sourit, il rejette le comique et s'il se fait grave, il ne donne point dans le pathétique ni dans l'effusion sentimentale. Sans réelle vocation de vérité, il n'est pas une recherche philosophique et encore moins un manifeste. Il n'a pas vocation pédagogique ou moralisante, ni but édifiant. Flottant souvent sur des réalités incertaines, ouvert à la fantaisie, il n'est pas pour autant une province du fantastique.

Ni résumé ni raccourci, rien dans le récit-page ne demande expansion ou développement ; car, lorsqu'il est accompli, il exhibe la rondeur d'un petit monde bien achevé, gravitant autour d'une esthétique littéraire propre qui ne tolère aucune économie en matière de qualité et d'effort d'écriture.

 Le tout dans l'habitacle protecteur de la page ; qu'il ne s'en éloigne pas !

 

Une littérature

de la modernité ?

 

La tendance est à rapprocher l'essor du bref littéraire de la nécessité de vitesse, voire d'urgence propre à la modernité. On le rapproche aussi des technologies de la rapidité de la communication, autrement dit du numérique et de la dématérialisation de l'écrit.

Le fait que le bref précède le numérique et le fait qu'il est le plus souvent présenté en recueils ou en blogs, affaiblissent l'explication qui voudrait associer littérature brève, modernité et économie de temps.

Mais c'est surtout du point de vue de l'auteur qu'un tel rapprochement trébuche, dans la mesure où écrire, signifie, dans le sens littéraire du terme, ciseler une expression, patiemment, souvent longuement. Les fausses notes étant probablement plus audibles dans le bref, le travail de polissage pourrait s'avérer même plus important qu'ailleurs.

Le critère que nous affirmons ici, est qu'une esthétique littéraire brève ne peut naître d'aucun empressement ni dans le sillage des nouvelles formes appauvries de l'écriture télégraphique.

Précisons enfin qu'il ne s'agit pas forcement pour nos auteurs de posséder "une œuvre". Il peut très bien arriver qu'un seul texte, qu'il soit le premier d'un auteur où qu'il se loge au sein d'une production, allume la petite étincelle qui fait la substance du récit-page ; l'exception aussi alimente ce foyer.

Et sur cet ensemble, l'éditeur, numérique ou pas, exerce un travail moins de support que de veille.

 

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